CONFERENCE PARIS
ALVARO SIZA A L’ARSENAL
Publication : 2013
Auteur : LAURENT BEAUDOUIN

PRÉSENTATION DE LA CONFÉRENCE ALVARO SIZA AU PAVILLON DE L’ARSENAL A PARIS LE 08 OCTOBRE 2013

Alvaro Siza s’est souvent présenté comme un architecte fonctionnaliste pour marquer le fait que le bon fonctionnement de l’édifice est une base essentielle au projet. Cela fait partie de l’éthique du travail. C’est le minimum que l’on attend d’un architecte. Il s’est aussi présenté lui-même souvent comme un architecte conservateur, utilisant avec malice ce terme à double sens, pour souligner l’attention qu’il a toujours porté au respect et à la mise en valeur du site, à sa géographie, à son histoire, à l’existence quelque fois banale du « déjà là ».  Là aussi c’est une position éthique qu’il a maintenu avec force tout au long de sa carrière.

Je voudrais, à l’occasion de la présentation du projet de la Fondation Ibéré Camargo, insister sur un autre aspect de son travail, qui, me semble-t-il, n’a jamais fait l’objet d’études particulières malgré les nombreuses publications sur son œuvre. Lui-même n’en fait rarement état : c’est la dimension scientifique de son architecture. Alvaro Siza est un architecte « Techno » pour ne pas dire « High Tech » et le projet de Porto Alegre en est un bon exemple. Ce qui est le plus frappant c’est qu’on ne le voit pas. C’est sans doute ce qui le différencie de ceux qui font de la technique une démonstration de force. Chez Siza, il y a, au contraire, un art de la dissimulation qui efface la présence de la technique au profit de l’espace. Pour atteindre cet objectif il faut prendre la question scientifique au sérieux et lui accorder le temps nécessaire pour qu’à la fin elle disparaisse. J’ai eu la chance de visiter le chantier de la fondation avant qu’il soit terminé, et d’entrevoir quelque uns des « trucs » du magicien. Cela fait comprendre l’énergie qu’il est nécessaire d’accorder à cette dimension souvent négligée du travail. Le paradoxe chez Siza est que cette énergie est entièrement consacrée à se faire oublier. C’est effectivement un travail de magicien qui nous montre une jeune fille en lévitation sans que l’on comprenne comment son corps peut tenir librement suspendu dans l’espace. Dans la fondation Camargo, Siza soulève trois jeunes filles qui flottent au dessus de l’entrée pour nous accueillir dans l’espace paradoxalement ouvert d’un volume plein.

Laurent Beaudouin

Paris le 08 10 2013

 

PRESENTATION DE LA CONFÉRENCE D’ALVARO SIZA A LA FONDATION GULBELKIAN À PARIS

J’ai rencontré Alvaro Siza, il y a 36 ans, dans son appartement de la rua d’Alegria à Porto. Pour moi c’est comme hier. Non que nous n’ayons pas changé l’un et l’autre, mais sa pensée et son œuvre sont d’une constance hors du commun. La constance n’est pas le contraire de la nouveauté, de l’invention, de l’innovation. La constance est la capacité de contempler les choses avec recul et lucidité et de voir le travail à accomplir dans la longue durée. « Je suis sensible au moment qui va suivre » dit-il lors de notre premier entretien. Cette phrase me marque profondément parce qu’elle veut dire en quelque sorte que le travail n’est jamais vraiment fini et que l’architecture est une action temporelle, elle n’est pas une chose fixe, elle est un devenir. Louis Kahn avait une autre façon de le souligner en disant : « I love beginnings » Siza est curieux de tout et son œuvre est d’une paradoxale constance dans l’invention, la surprise, le renouvellement. Un peu plus tard il disait : « je tiens compte de tout car ce qui m’intéresse c’est la réalité. Aucune classification n’est faite entre une bonne et une mauvaise architecture ; tout ce qui existe est important et on ne peut rien exclure de cette réalité. Des rapports doivent être établis entre le projet et ce qui l’entoure et entre les différentes parties du projet. À l’intérieur du projet, les liens deviennent fatalement éclectiques, hybrides, car toutes les réalités extérieures à l’œuvre doivent la pénétrer et contaminer tout le projet. » Cette attention aux diverses conditions de la réalité, sans discrimination traverse l’ensemble de son travail. Voilà ce qui est pour moi la constance, une pensée clairvoyante, toujours à l’œuvre aujourd’hui et particulièrement dans le Musée Serralves qu’Alvaro Siza nous présente ce soir.

Laurent Beaudouin

Paris le 09 octobre 2013